La Consécration au Sacré-Cœur

8. Le message de Paray : Commentaire de la prière du jubilé

L’introduction

Seigneur Jésus, tu as révélé à Sainte Marguerite-Marie ton Cœur si passionné d’amour pour tous les hommes et pour chacun en particulier.

Par le baptême, les chrétiens sont liés et consacrés à Jésus notre Sauveur et Seigneur de toute notre vie. La cause principale de la corruption de la vie chrétienne vient de l’oubli et l’ignorance de ces engagements pris au baptême. Or, nous faisons l’expérience d’être faibles et changeants. La pureté de cette consécration première et fondatrice est altérée par nos péchés et nos fragilités, comme une source qui serait ensablée.
Le moyen pour remédier à cette situation est de se souvenir des obligations assumées au baptême et de renouveler les promesses du saint baptême. Il nous est nécessaire, à plusieurs moments de notre vie, de recevoir comme une « piqûre de rappel ». Ainsi, chaque année, nous renouvelons les promesses de notre baptême pendant la Vigile Pascale.
La consécration au Cœur de Jésus est l’occasion pour nous de retrouver la pureté et la force de notre consécration baptismale. C’est une étape nouvelle dans la fidélité à notre baptême. C’est ce que l’Église appelle un exercice pieux, au même titre que le chapelet ou le chemin de croix, par exemple. 

Aujourd’hui, tu nous invites à puiser à la source de ton Cœur, qui demeure plus que jamais ouvert.

La deuxième phrase manifeste l’actualité de la grâce vécue à Paray et contient une allusion au cantique d’Isaïe 12 : « Exultant de joie, vous puiserez les eaux aux sources du salut » (v. 3) ; verset qui a donné son nom à l’Encyclique du pape Pie XII en 1956, Haurietis Aquas in Gaudio. La finale reprend l’affirmation du pape Jean-Paul II le 6 janvier 2001, lors de la fermeture de la Porte Sainte du Grand Jubilé de l’an 2000 à Rome : « Avec la fermeture de la Porte Sainte, c’est un symbole du Christ qui se ferme. Mais le Cœur de Jésus demeure plus que jamais ouvert. »

Les six demandes litaniques

Dans ce sacrement de l’Amour qu’est l’Eucharistie,

La deuxième partie est introduite par l’expression « Sacrement d’amour » qu’utilise le Seigneur pour désigner l’Eucharistie lors de la grande Apparition de juin 1675. Elle est composée de cinq demandes litaniques, qui mettent les pèlerins à l’école de l’expérience spirituelle de Sainte Marguerite-Marie.

Nous t’offrons nos fatigues et nos lassitudes : donne-nous le repos ;

Premièrement, le 27 décembre 1673, elle va reposer longuement sur le Cœur de Jésus : « Il me fit reposer fort longtemps sur sa divine poitrine ». Dans une lettre au père Croiset, elle précisera que ce repos dura « plusieurs heures ». Ce faisant, elle répond à l’appel de Jésus dans l’Evangile à venir reposer sur son Cœur : « Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, et moi, je vous procurerai le repos. Prenez sur vous mon joug, devenez mes disciples, car je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez le repos pour vos âmes. » (Mt 11, 28-29). Le disciple Saint Jean, le premier, a vécu une telle expérience lors de la dernière Cène (Jn 13, 25), fait suffisamment important pour que l’Evangile y fasse de nouveau allusion après la résurrection (Jn 21, 20). Très tôt, les premiers chrétiens, effectivement, associèrent Jean à cette expérience si particulière. Ainsi, en l’an 180, Irénée de Lyon écrit : « Ensuite Jean, le disciple du Seigneur, qui a reposé sur sa poitrine, publia lui aussi l’Évangile, tandis qu’il habitait à Éphèse en Asie » (Contre les hérésies III,1,1)

Nous t’exposons nos souffrances et nos blessures : console-nous et guéris-nous ;

Deuxièmement, le Cœur de Jésus est source de consolation et de guérison. Le pape François nous invite à approcher nos plaies des plaies de Jésus. L’hymne de la première épître de Pierre applique à Jésus ce qu’annonçait le prophète Isaïe dans le 4ème poème du serviteur souffrant « Par ses blessures, nous sommes guéris » (Isaïe 53, 5 et 1 P 2, 24). Lors de l’audience accordé au colloque organisé par le sanctuaire de Paray sur la Réparation spirituelle, en mai 2024, le pape François a prié « pour que le sanctuaire de Paray-le-Monial soit toujours un lieu de consolation et de miséricorde pour toute personne en quête de paix intérieure. »
L’analogie du Cœur avec l’image du soleil et de la fournaise lors de l’apparition de 1674 rappelle le verset du prophète Malachie « le Soleil de justice se lèvera : il apportera la guérison dans ses rayons » (Mal 3, 20) fréquemment cité dans la spiritualité parodienne.

Nous te présentons notre dureté de cœur : transforme-nous dans la douceur et l’humilité ;

Troisièmement, le 27 décembre, Jésus demanda son cœur à Marguerite-Marie. « Je le suppliai de [le] prendre, ce qu’il fit, et le mit dans le sien adorable, dans lequel il me le fit voir comme un petit atome qui se consommait dans cette ardente fournaise, d’où le retirant comme une flamme ardente en forme de cœur, il [le] remit dans le lieu où il l’avait pris. ». Ce faisant, le Seigneur réalise la promesse prophétisée en Ezéchiel : « Je vous donnerai un cœur nouveau, je mettrai en vous un esprit nouveau. J’ôterai de votre chair le cœur de pierre, je vous donnerai un cœur de chair. Je mettrai en vous mon esprit, je ferai que vous marchiez selon mes lois » (Ez 3, 26-27). Jésus dit de son Cœur qu’il est « doux et humble » (Mt 11, 29) et constate la dureté de cœur de ses interlocuteurs ou des disciples (par exemple en Mt 19, 8 ou Mc 6, 52).

Nous déposons devant toi nos ingratitudes et nos indifférences : que nous te rendions amour pour amour ;

Quatrièmement, lors de l’apparition de 1674, Jésus se plaint du manque d’amour de la part des hommes : « Il me découvrit les merveilles inexplicables de son pur amour, et jusqu’à quel excès il l’avait porté d’aimer les hommes, dont il ne recevait que des ingratitudes et méconnaissances. » Il demande à Marguerite-Marie de lui « rendre amour pour amour », expression qui revient à plusieurs reprises sous la plume de la visitandine. C’est d’ailleurs le thème retenu pour ce Jubilé des 350 ans.

Nous te disons notre soif de t’aimer et de t’annoncer : envoie-nous dans la puissance de ton Esprit Saint.

Cinquièmement, la dévotion au Sacré-Cœur nous renouvelle dans le zèle missionnaire à témoigner au monde de cet amour brûlant, ce à quoi Marguerite-Marie et Claude La Colombière s’attachèrent, chacun selon son appel. « Mon divin Cœur est si passionné d’amour pour les hommes, et pour toi en particulier, que ne pouvant plus contenir en lui-même les flammes de son ardente charité, il faut qu’il les répande par ton moyen, et qu’il se manifeste à eux pour les enrichir de ses précieux trésors que je te découvre » dira Jésus lors de l’apparition de 1673. Le thème de la soif associée à l’amour est également très présent dans les apparitions. Dans une de ses lettres au père Croiset, Marguerite-Marie dit que Jésus l’a choisie comme un « instrument pour établir cette dévotion et attirer les cœurs à aimer le Sien adorable, lequel avait une si ardente soif d’être connu, aimé et honoré des hommes. 

La péroraison finale

Seigneur, nous nous consacrons à ton Cœur, fournaise ardente de charité

Enfin, la troisième partie apparait comme l’aboutissement du mouvement spirituel de cette prière de consécration au Cœur de Jésus. Il est bon de rappeler que le lieu de l’offrande est l’Eucharistie, comme nous l’avons dit plus haut. Se consacrer au Cœur de Jésus n’est rien d’autre que de se consacrer à sa personne, à Jésus lui-même. Jésus parle de son Cœur à Sainte Marguerite-Marie comme de « la fournaise ardente du pur amour » (lettre à la mère de Saumaise). Tout au long des apparitions, c’est le symbole du feu qui prédomine comme, par exemple, dans l’apparition de 1674 reproduite sur la fresque de la Chapelle des Apparitions : « Jésus-Christ, mon doux Maître, se présenta à moi, tout éclatant de gloire avec ses cinq plaies, brillantes comme cinq soleils, et de cette sacrée Humanité sortaient des flammes de toute part, mais surtout de son adorable poitrine, qui ressemblait une fournaise ; et s’étant ouverte, me découvrit son tout aimant et tout aimable Cœur, qui était la vive source de ces flammes. »
 

Fais de nous des instruments qui attirent les cœurs à ton Amour.

Dans la retraite de 1678, Marguerite-Marie note cette affirmation de Jésus « je veux que tu me serves d’instrument pour attirer des cœurs à mon amour. » reprise dans notre prière.

Brûle-nous de ta compassion pour témoigner au monde de ce Cœur qui nous a tant aimés. Amen.

La demande « brûler de compassion » se situe sur le registre symbolique du feu dans lequel se situe l’expérience spirituelle de Marguerite-Marie, comme nous venons de le dire. Il s’agit d’entrer dans « les sentiments qui sont dans le Christ Jésus » (Ph 2, 5), dans la compassion devant les foules qui bouleversait ses entrailles : « Voyant les foules, Jésus fut saisi de compassion envers elles parce qu’elles étaient désemparées et abattues comme des brebis sans berger. » (Mt 9, 36). La prière s’achève par l’expression de juin 1675 qui apparait comme le sommet de l’expérience spirituelle de Sainte Marguerite-Marie : « Voilà ce Cœur qui a tant aimé les hommes, qu’il n’a rien épargné jusqu’à s’épuiser et se consommer pour leur témoigner son amour. »

Dans la neuvième étape, nous verrons comme la consécration personnelle peut s’élargir à une démarche familiale et communautaire.

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